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Congo 1950 -1960 - Léopoldville - Brazzaville - Campagne d'Abyssinie - Histoires d'Afrique
27 août 2006

Climat pendant les élections à Kinshasa

Certaines personnes m'ont demandé des informations sur le Kinshasa actuel. Il me semble intéressant de copier ici un article du journal "Le nouvel observateur" : http://permanent.nouvelobs.com/ qui montre que les pratiques de barbarie n'ont toujours pas disparues des mentalités (...le supplice du collier, etc...).

Je fais copie de l'article et d'un morceau d'un autre, mais vous pouvez aller les visionner sur le site-même. Voici l'article :

Semaine du jeudi 24 août 2006 - n°2181 - Monde
« Si l'Etat était un individu ? Je le tuerais »

Congo : Vivre au fond du trou
Il y a quatre ans, la communauté internationale a mis un terme à la guerre et sauvé la République démocratique du Congo de la partition. Elle vient aussi d'y imposer les premières élections libres depuis quarante ans. Mais vu de près, c'est l'image d'un pays ruiné, toujours aussi instable et gangrené par la corruption, qui s'impose. Reportage

De notre envoyé spécial à Kinshasa

Pierre Mukwati Kitambala fait front. Avec ses deux camions qui roulent encore, sa Jeep bâchée, son troisième camion en attente de réparation depuis des mois et ses dix employés, il reste le plus riche commerçant du petit bourg de Vanga. Mais, au coeur de la province du Bandundu, à 400 kilomètres à l'est de Kinshasa, les affaires sont moribondes, comme ailleurs. Il est loin le temps où les fonctionnaires percevaient un salaire décent, où Unilever employait 15 000 travailleurs sur sa plantation de 30 000 hectares de palmiers à huile, où la grande route provinciale menant à la capitale était goudronnée, où les grosses barges remontaient la rivière Kwilu puis rejoignaient Kinshasa. Le Bandundu était le grenier de la capitale. Aujourd'hui, Vanga garde le privilège, rare au Congo, d'être accessible par route. Mais pour gagner la capitale, il faut «un camion dix roues trois ponts» - que Kitambala n'a pas -, une bonne semaine, s'il n'a pas trop plu, et des centaines de dollars pour venir à bout des «tracasseries» des multiples services de police, comme disent les Congolais. «Les fonctionnaires doivent se payer sur la population puisque l'Etat ne les paie pas!» Les barges rouillent sur les berges. Un sac de ciment qui se vend 30 dollars à Vanga s'achète le tiers à Kinshasa. En sens inverse, le prix d'un kilo de bananes est multiplié par dix.

Samson, Joseph, Hyppolite, Félicitée et tant d'autres sont au fond du trou, comme la plupart des Congolais. Ils sont cultivateurs. Autrefois, ils vendaient la moitié de leur production, mais les acheteurs ont disparu. Ils se procuraient du sel, du pétrole pour la lampe, du savon, des vêtements, parfois une radio ou un vélo. Mais les prix ont explosé. Leur seule chance d'emploi ? Travailler épisodiquement la terre d'un autre, souvent un fonctionnaire qui ne survivrait pas sans son champ, pour 30 centimes d'euros par jour. L'école est payante parce que les salaires des enseignants sont aussi dérisoires que sporadiques. De 4 à 15 euros par an dans le primaire, selon la qualité de l'établissement, plus les fournitures. La moitié des enfants est déscolarisée. Une consultation à l'hôpital de Vanga, le seul à des dizaines de kilomètres à la ronde, coûte 1 euro. Mais grâce à une subvention de l'Eglise évangélique, les plus pauvres ne meurent pas à sa porte, comme ailleurs au Congo. Il a accueilli un demi-millier d'enfants gravement malnutris l'année dernière.
A l'effondrement économique s'ajoute le rançonnement. Avertie par ses informateurs, la police fait irruption dans les villages pour embarquer les suspects d'un délit supposé, voire inventé de toutes pièces. Ils ne seront libérés qu'après paiement, au mieux, du «pied du policier» - le « dédommagement » de sa marche -, et d'ordinaire d'une amende d'un montant totalement arbitraire. A une question d'une enquête de la Banque mondiale : «Si l'Etat était un individu, comment le traiteriez-vous?», on trouvait souvent la réponse : «Je le tuerais.»
Pierre Kitambala désigne les responsables de cette descente aux enfers : «C'est vous, les Blancs. Vous tuez nos chefs nationalistes parce qu'ils ne veulent pas vous céder nos richesses.» L'histoire ne lui donne pas entièrement tort, loin de là, mais pas le passé récent. L'intervention occidentale a sauvé le Congo de sa partition entre des seigneurs de la guerre, paravents de pays voisins, Rwanda et Ouganda en tête, ameutés par les trésors qui y dorment. Le marchand complète : «Vous voulez nous mettre un président qui s'occupe de vous et pas de nous.» Joseph Kabila est visé, l'actuel président intérimaire, favori des élections générales du 30 juillet, dont le second tour présidentiel vient d'être fixé au 29 octobre. Ses adversaires le considèrent comme une marionnette des Occidentaux.
Le marchand accuse sur un ton posé. Mais dans les quartiers populaires de Kinshasa et au-delà, parmi les jeunes au chômage, éduqués ou non, au sein de l'élite et même dans ce bourg reculé, ce réquisitoire est un leitmotiv, asséné avec véhémence et souvent fureur. «Partez, les Blancs, ou on vous tranchera la gorge!» Les jeunes «semi-lettrés» sont les plus virulents. Ils exigent un emploi qualifié en arguant d'un «diplôme». Il n'y en a pas, et l'effondrement de l'éducation les rendrait inaptes à l'occuper. Dans une copie de terminale de l'un des lycées de Vanga, exemple de réponse à la question : «Expliquez en sept lignes l'importance historique des canaux de Suez et Panama.»«Dans ce canale il permetre l'entre et sortir dans ce zone il etai un moyen de transport de Panama c'est une transport.» L'élève a eu la moyenne. Il rejoindra ces millions de désoeuvrés qui ne veulent pas déchoir en revenant aux champs, s'adonnent à la «débrouille» dans un semblant de commerce ou de service erratiques, quémandent en «sillonnant la famille ou les amis», ne fondent pas un foyer faute de pouvoir l'entretenir. Ils débordent de rancoeur.
Les «politiciens» racolent. Maurice Musema, jetant ses dernières forces dans la campagne, lance sa tirade finale : «I speak fluently english, je peux être ambassadeur à Londres!»;«Fala muito bem português, je peux être ambassadeur à Lisbonne!»; «Je suis diplômé d'économie, je peux être ministre des Finances!» Son auditoire d'enfants en haillons le regarde avec des yeux ronds. La plupart des adultes sont aux champs. De toute façon, personne ne croit plus un mot de tous ces «flatteurs».
Jean Kipoye Mbuta maugrée. Très probablement, comme la plupart des 142 candidats aux neuf postes de députés de la circonscription de Bulungu, il a tenté le jackpot. Pour un ticket d'entrée à 250 dollars, il pouvait espérer décrocher le salaire mensuel de député de 1 500 dollars (quand le revenu annuel par habitant avoisine les 100 dollars), un 4x4 dernier cri et, mieux encore, sa part du pillage des richesses du pays, l'inusable moteur de la vie politique congolaise.
Il a rallié l'une des grosses écuries présidentielles. Officiellement, parce qu'elle est menée par un «vrai nationaliste». Mais, selon l'adage local, «les boeufs rejoignent le troupeau pour aller à la mangeoire». Las... Il n'a reçu que le tiers des 3 600 dollars promis, et tardivement. Sa campagne poussive finit prématurément faute d'argent pour remplir le réservoir de son 4x4. Au pied de la plus grande église de Vanga, il traque d'éventuels voyageurs prêts à payer un peu d'essence pour qu'il les transporte jusque chez lui, à Bulungu.
«Je choisis mon frère.» Puisque les électeurs appliquent cette règle d'airain, aucun candidat n'a imaginé se présenter hors de sa région d'origine. Mais les maîtres du jeu sont ceux qui ont fait des «affaires» à Kinshasa et se sont opportunément découverts «enfants du village» où, au mieux, ils n'avaient fait que des passages aussi brefs qu'épisodiques. Eux seuls disposent des 5 000 dollars indispensables pour mener une simple campagne de proximité dans une circonscription de la taille de trois départements français. Les poids lourds peuvent même y ajouter des camions entiers de «sucrés» (sodas), «polos» (tee-shirts) et «képis» (casquettes), voire des valises de «petites motivations» (quelques billets de 100 francs congolais). Les électeurs se jettent dessus sans vergogne : «On reprend un tout petit peu de l'argent qu'on nous a volé.» Ces ténors disposent de vélos, motos, antennes satellitaires, et consacrent des sommes faramineuses aux yeux du Congolais ordinaire pour acheter l'appui de personnalités et recruter à la hâte des militants permanents, en fait des mercenaires qui se vendent au plus offrant. Un candidat local porteur d'un projet validé par son action dans la « société civile », à supposer qu'il y en ait, n'a aucune chance de percer. Les «politiciens» ont verrouillé le scrutin.
Vanga s'accroche à ce vote comme à son ultime chance d'un vrai «changement». Le seul qu'il a connu a toujours été pour le pire. Aussi rêve-t-il de revenir un demi-siècle en arrière, à cette époque bénie qui «résonne dans le coeur» parce qu'«on mangeait trois fois par jour». Un homme l'incarne dans le Bandundu : Antoine Gizenga, 83 ans, «le patriarche de l'indépendance», vice-Premier ministre de Lumumba, puis en exil pendant près de trente ans. Reclus, il est pratiquement muet. Peu importe. Son mythe se suffit à lui-même. Les militants de son parti, le Palu, le Parti lumumbiste unifié, l'un des deux seuls dignes de ce nom en RDC, ne distribuent pas de «petits riens». Mais seule une poignée d'entre eux est capable de rationaliser un tant soit peu son engagement. Gizenga est «un sage dont on n'entend jamais qu'il a fait le désordre», tandis que les «jeunes ont fait la guerre et rien pour le pays». Aucun ne connaît son programme, s'il existe.
La majorité des paysans interviewés, dont l'horizon est borné à Vanga, ignore le nom de tout autre candidat. Quand elle parvient à expliquer son choix, elle invoque le conseil du chef du village appuyé par ses « notables » et surtout la volonté divine, irréfutable caution d'une adhésion pourtant d'un tout autre ordre. «Dieu m'a dit que Gizenga doit être notre Moïse.» Dans tout le Congo, la religion devient un refuge. On y cherche un sens à un quotidien brisé et désarticulé. Comme ailleurs, les huit églises de Vanga sont les seuls lieux d'une socialisation qui se veut libre, égalitaire et fraternelle. Elles enseignent que non seulement : «Dieu a fait le monde», mais aussi : «Dieu fait l'Histoire.»
Vanga se crispe. Edi Angulu, ancien ambassadeur de RDC à Paris, candidat à la députation dans le parti de Kabila, est caillassé en tentant de faire campagne. Le jour du vote, il ne sauvera sa peau qu'en se cachant chez un notable. Car la population ne veut pas que l'«on change le chauffeur en gardant le véhicule», autrement dit que la prédation du pays à ses dépens se perpétue. «Envoûtée» par Gizenga, elle croit dur comme fer que lui seul peut y mettre fin et que les kabilistes ne peuvent l'en empêcher que par la fraude. Par aveuglement et par ignorance, elle est sûre de l'enracinement national du « patriarche » et méconnaît les intentions de vote ailleurs. S'il est battu, certains prédisent qu'ils accepteront de «continuer la survie». Beaucoup affirment qu'ils ne se résigneront pas et, parmi eux, ceux qui clament qu'«ils partiront dans la forêt avec les armes», ressuscitant la tradition de guérilla lumumbiste de la région.
Vanga explose. Les 18 bureaux de vote accueillent dans le calme les électeurs venus d'une dizaine de kilomètres à la ronde. Vers midi, des cris fusent. Une présidente est accusée d'avoir fait voter une maman illettrée pour Kabila. «On va la brûler!»; «On va la manger comme une chèvre!» On apporte un pneu pour le supplice du collier. Désarmés pour le scrutin, les policiers sont débordés. La présidente est battue, réussit à s'enfuir et finit par trouver refuge à l'hôpital. Une rumeur court, selon laquelle le président d'un des trois centres de vote, qui coiffe six bureaux, et le principal pasteur de Vanga auraient aussi été achetés par le parti de Kabila. Le premier ne doit la vie sauve qu'à la fuite, le second, au refuge chez un voisin. Le bureau de vote est saccagé. Les 17 autres reprendront plus tard leurs opérations vaille que vaille.
Dans les hurlements et les applaudissements, le pillage de la maison du pasteur dure quatre heures. Tout ce qui ne peut pas être emporté, y compris les châssis arrachés des portes et fenêtres, est brûlé. Les pilleurs n'ont pas d'âge. Deux jeunes se battent pour un matelas, un gamin court avec une chaise plus grande que lui sur la tête, une vieille avance à pas menus portant une glace et un pot de chambre, un adulte traîne une armoire, des fillettes s'enfuient en cachant mal sous leurs robes dégoulinantes de sang des quartiers des chèvres qui viennent d'être abattues. Sur le bord de la route, un nabot trépigne et applaudit frénétiquement dès que passe un pilleur. A la tombée de la nuit, l'arrivée d'un pick-up rempli de policiers armés les disperse comme une volée de moineaux. Les villageois qui convergent pour se ruer sur d'autres maisons font demi-tour...
Selon les résultats provisoires proclamés le 20 août, Gizenga aurait recueilli à Vanga plus de 95% des suffrages. Mais pas un média n'a évoqué les événements. Pourtant, ne montrent-ils pas à quel point, pour de nombreux Congolais, l'enjeu du vote est vital ? En finir avec la survie et entrer dans la vie. Chacun est convaincu que seul son candidat porte ce salut. On s'accroche donc à lui avec une furieuse passion. Les politiciens l'attisent. Elle catalyse toute la violence infligée et subie au quotidien. Le moindre mauvais coup porté à celui qui passe pour le sauveur suprême peut déclencher une émeute de ses partisans, puis un pillage qui coagule toutes les haines de tous. Pendant quelques heures, la masse de ceux qui n'ont rien prend sa revanche sur la poignée de possédants qui se sont enrichis en la spoliant à longueur d'année. Ils la relèguent avec un cynique mépris : elle se venge en faisant irruption chez eux. La fracture sociale qui traverse le Congo est explosive. Elle aussi.


René Lefort

17 000 casques bleus et 2 000 soldats européens

Un protectorat international
La République démocratique du Congo subit toujours la crise humanitaire la plus aiguë de la planète, avec chaque jour autant de victimes qu'en un mois de la dernière guerre au Sud-Liban. Il y a eu pis : 4 millions de Congolais au moins ont péri pendant les deux guerres de 1996 à 2002, plus que lors de tout autre conflit depuis la Seconde Guerre mondiale. Le pays est exsangue. Au rythme de la croissance de ces trois dernières années, il faudrait aux Congolais un demi-siècle pour rattraper leur niveau de vie au moment de l'indépendance, en 1960.
A partir de 2002, la communauté internationale a placé le Congo sous un quasi-protectorat pour le conduire à un début de stabilité, dont les élections marquent une étape cruciale.

René Lefort

(suite de l’article dans le journal « Le nouvel observateur »

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--------------------------------------------------------------------------------<br /> <br /> Ik ben Roland Marico, geboren te vlamertinge (Ieper).Woonplaats: Guillaumelaan 5 Leopoldsburg 3970 Telf: 011-747782 Gsm:0475664281 Email: roland.marico@telenet.be.Als militair heb ik twee maal verplicht geweest naar Congo te vertrekken Ik ben gevangen genomen door de rebellen, en zes maand opgesloten in een cel, waar ik gefolterd en mishandeld geweest ben.Ik heb een boek geschreven over deze gijzeling Prijs: 12,70 euro.Voor meer informatie,tik mijn naam in opGOOGLE (roland marico) en bekijk alle sites van de ACHT VAN STANLEYSTAD.Het zal mij veel plezier doen een email te mogen ontvangen van heel NEDERLAND EN BELGIE.De beste groeten en tot binnen kort. <br /> <br /> Roland
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